EGOISME SAIN ET GESTALT
- At avril 26, 2024
- By Andrea Damiano
- In Gestalt
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L’égoïsme est un vilain défaut?
L’égoïsme dans une connotation classique est un défaut. C’est un peu vu comme une forme d’avarice dans la relation aux autres.
Il est vu comme le fait de ne penser qu’à soi et à ses besoins, en se regardant son nombril au détriment des autres.
Est-ce que l’égoïsme sain existe?
Parler d’égoïsme sain ou égoïsme positif propose un scénario très diffèrent :
L’égoïsme sain est un espace et une attitude qui nous permet de gérer nos espaces et nos timings et faire face aux demandes excessives des autres (et surtout de nous-mêmes), sans se faire avaler et disparaitre.
C’est aussi le fait de dire NON gentiment et sans se sentir coupable.
Une économie d’énergie
C’est aussi une sacrée économie d’énergie : en se concentrant sur moins de choses mais meilleures, sans trop se disperser.
L’égoïsme sain est aussi d’arriver à ne pas faire rejaillir sur les autres nos attentes, mais surtout nos frustrations.
Nous pouvons espérer certaines choses pour les autres, leur souhaiter (par exemple la réussite ou de trouver l’amour etc) mais après si cela n’arrive pas, nous ne devons pas porter le fardeau…et être malheureux pour cela, ni le faire peser aux autres par excès de culpabilité.
Savoir doser
L’égoïsme sain est le corollaire de l’altruisme sain. Comme l’égoïsme toxique est le corollaire de l’altruisme toxique.
Au milieu il y a une posture où tout le monde trouve son compte : positionnement plus juste, plus empathique, moins conflictuel et aussi moins énergivore.
Dans le cycle du contact de Zinker l’égoïsme est une condition de base
Aussi dans la relation interpersonnelle (où cycle de Zinker) il y a plusieurs phases :
D’émergence et de prise de contact,
Ensuite il y a une phase d’action et de contact,
Suite à cela une phase d’assimilation de l’expérience,
Et enfin la phase de retrait et désengagement.
Personne ne reste dans le contact éternellement. Cela serait trop fatigant.
Une forme de solitude
Quand nous ouvrons aux autres cela peut être super-sympa, super-profond, super-intéressant, super-dynamisant mais c’est toujours une phase bien définie.
Après nous serons à nouveau seuls.
Moi c’est moi et toi c’est toi. Ca peut paraitre étrange, mais ça se tient.
Le besoin affectif et sa frustration
Quand une personne nous accuse d’être égoïstes souvent cela a comme origine la frustration d’un besoin affectif. C’est une manipulation enfantine dans laquelle la personne pense être toute puissante, et les autres constamment disponibles. Cela peut arriver jusqu’au chantage émotif.
Cela installe des nécessites non satisfaites, et donc par facilité nous faisons un chantage émotionnel.
Comme en général cela a une marge de réussite réduite, il y a des excuses du style ; tu me dois le respect (en gros tu dois faire ce que je te dis de faire) parce que je suis ton père, ta mère, ton frère, ton ami, ton supérieur hiérarchique, ton fils etc.
C’est en général assez prévisible.
Egoïsme comme base pour l’altruisme
En réalité l’égoïsme est la base de l’altruisme parce que notre bonheur est aussi la base de notre relation aux autres, et donc en lien aussi avec le bonheur des autres.
En gros, si je suis débordé et toujours en train de me plier en 4 pour les autres, difficilement je ferai le bonheur des autres.
Les vibrations basses
L’égoïsme sain est d’autant plus important en cas de phases un peu « down », où la vibration de notre humeur est un peu basse.
Michelle Obama raconte son histoire, au début de la pandémie du COVID : elle était dans une phase de vibration très basse, de tristesse et de fatigue et malgré cela elle s’imposait beaucoup de choses. A un certain point, elle a craqué : elle s’est dit « je ne pense qu’à moi, et je me repose », et elle a tenu ce nouveau cap jusqu’au moment où la situation s’est améliorée.
L’altruisme excessif c’est juste du servilisme frustrant où on s’oublie dans l’histoire.
La renonciation à nous-même pour nous donner aux autres : à quel titre ? Pour quelle raison ?
Différence entre l’égoïsme positif ou toxique et l’altruisme positif ou toxique : comment faire la difference
Une idée :
Considère si l’attention pour nous-même ENLEVE ou PAS quelque chose aux autres ; quelque chose qui leur appartient ou qui leur est destiné, ou même leur cause un dommage.
Si cela n’enlève rien, et s’il ne cause pas de dommages, c’est de l’égoïsme positif.
Les extrêmes qui se touchent et le narcissisme
Egoïsme toxique et altruisme toxique se rejoignent : le super altruiste qui s’oublie pour les autres est souvent quelqu’un qui veut satisfaire une forme de narcissisme : les saints, les martyrs, Mère Teresa, les héros de guerre…
On leur enlève rien en termes de mérite, mais en termes d’exemplarité il faudrait considérer qu’ils font partie de catégories particulières, et souvent ils aiment aussi être connus, reconnus et appréciés, en apparaissant, tout compte fait, comme meilleurs ou supérieurs à la plupart des personnes.
Cette étrange prière ? Je poursuis ma voie et tu poursuis la tienne
Frederick Perls, le fondateur de la Gestalt, écrivait en 1963 la Prière de la Gestalt
« Je suis moi et tu es toi,
Je poursuis ma voie et tu poursuis la tienne,
Je ne suis pas dans ce monde pour répondre à tes attentes,
et tu n’es pas dans ce monde pour répondre aux miennes,
Je suis moi et tu es toi,
Et si par chance nous nous rencontrons, alors c’est merveilleux,
sinon nous n’y pouvons rien ».
I’m I and you are you,
I do my thing and you do your thing.
I am not in this world to live up to your expectations,
and you are not in this world to live up to mine.
You are you, and I am I,
and if by chance we find each other, it’s beautiful,
If not, it can’t be helped.
— Fritz Perls, « Gestalt Therapy Verbatim », 1963
Parfois je me demande ce que ce vieux gourou hippy mal luné, au comble de son narcissisme et de son individualisme années 60 voulait dire.
Il vivait à cette époque sur une ile au large de Vancouver, et il avait fondé une sorte de petite communauté qui était loin de l’idéal qu’on imagine.
Rien n’est plus éloigné de moi et de ma façon d’être que F. Perls et ces mots.
Une contrainte existentielle
Mais après réflexion, j’ai saisi certains éléments :
« Moi je suis moi et tu es toi » : moi, je ne suis pas les autres, et je ne le serai jamais, même si parfois je les aime beaucoup.
Pour ça il n’y a pas de solution, c’est un fait, c’est une des contraintes existentielles, c’est une forme de solitude.
La solitude vue comme ça ne veut pas dire qu’on se sent seul, ça veut dire que nous et les autres nous ne sommes pas la même chose et que donc, même avec les meilleures intentions, cette séparation ne peut pas être comblée.
C’est une condition primordiale de l’être humain.
Il y aura des ponts, et éventuellement des passerelles, mais, être en fusion et en dépendance totale ce n’est pas souhaitable, mais surtout, ce n’est pas possible.
Ne te mets pas la pression
Ne fais pas les choses contre ton gré, sur la base de liens soi-disant de famille, amitié, connaissance, dépendance, allégeance, tradition, habitude, gratitude quand tu sais que tu ne peux pas, et que ce n’est pas le moment.
Dans le cas contraire le risque est que cela se retourne contre toi, et surtout contre les autres.
Parce que, si on s’oublie dans l’histoire, non seulement c’est nous qu’en ferons les frais, mais aussi les autres, parce que tôt ou tard nous allons leur faire payer cette dette de gratitude. Et le retour de manivelle est souvent brutal et soudain.
Donc, relax, pense toujours à toi en priorité, sans écraser et surtout sans nuire aux autres (charité bien ordonnée commence par soi-même, selon le dicton).
Si tu veux et peux te rendre disponible, et tu te sens bien avec cela sans te forcer, fonce, sans doutes et sans regrets, même si c’est une chose dure ou difficile à faire.
Fonce … mais ne le fais pas parce que après tu t’attends à un retour, ni maintenant, ni après.